Étiquettes
Andrea Rossi, environnement, fusion froide, l’inventeur italien, le professeur Sergio Focardi, Low Energy Nuclear Reactions, physiciens nucléaires, réacteur « E-Cat », respect de la nature, sciences, Société
Mercredi 8 octobre 2014 une équipe de physiciens italiens et suédois a rendu public un rapport d’étude dont les conclusions sont proprement renversantes. En effet, les chercheurs ont abouti à la conclusion que le réacteur « E-Cat » de l’inventeur italien Andrea Rossi fonctionne réellement. Ce réacteur exploite un phénomène mal connu et largement incompris que l’on a baptisé, sans doute improprement, fusion froide(ou Low Energy Nuclear Reactions). Le carburant utilisé (de la poudre de nickel mélangée à du tétrahydruroaluminate de lithium ) aurait une densité énergétique environ cent mille fois plus élevée que celle de l’essence et ne produirait aucun déchet. L’article original (en anglais) est disponible ici. Je vous en propose un résumé simplifié assorti de quelques informations complémentaires.
Réacteur E-Cat : qu’est-ce que c’est ?
Maîtriser la fusion est le graal des physiciens nucléaires. Toutes les étoiles de l’Univers connu fonctionnent sur ce principe. Recréer une étoile artificielle sur Terre permettrait d’atteindre l’âge d’or… Ceci dit, il y a loin de la coupe aux lèvres puisque maîtriser ce processus est un horrible casse-tête scientifique et technique sur lequel butent les chercheurs et les ingénieurs depuis plus de 50 ans malgré les centaines de milliards de dollars investis en recherche développement. Un réacteur à fusion, tel qu’envisagé normalement, est une machine très complexe de la taille d’une cathédrale devant contenir un plasma surchauffé à plusieurs centaine de millions de degrés. A contrario le réacteur dont il est question ici fait figure d’invention bricolée à la Géo Trouvetou.
Ce réacteur, au fonctionnement si controversé donc, est le résultat de recherches menées principalement par l’inventeur et entrepreneur italien Andrea Rossi et aussi par le professeur Sergio Focardi (aujourd’hui décédé). Basé sur l’exploitation d’une réaction entre le nickel et l’hydrogène en présence de lithium, la première annonce publique concernant ce dispositif date du 14 Janvier 2011 (1). L’annonce qui est faite est simple : le réacteur est branché sur une prise de courant (en l’occurrence ici il s’agit d’une alimentation triphasée) et celui-ci semble libérer bien plus de chaleur qu’il ne consomme d’électricité. Le réacteur, qui existe sous différentes versions, a subi de nombreuses modifications et a fait l’objet de nombreux tests (2)(3)(4) au fil des années. Ces tests étaient, jusqu’à présent, considérés par la majorité de la communauté scientifique au mieux comme incomplets, au pire comme truqués. Aujourd’hui le réacteur est la propriété de la société Industrial Heat LLC (États-Unis) à laquelle l’inventeur a cédé ses droits de propriété intellectuelle.
Cœur du réacteur E-Cat posé sur une balance (photo issue du rapport) |
Qui a réalisé cette étude ?
Les auteurs de cette étude sont les six chercheurs suivants :
- Giuseppe Levi de l’Université de Bologne (Italie)
- Evelyn Foschi Bologne (Italie)
- Bo Höistad, Roland Pettersson , Lars Tegnér de l’Université d’Uppsala (Suède)
- Hanno Essén Institut Royal de Technologie de Stockholm (Suède)
Les financements nécessaires à l’étude ont été apportés par :
- La société ELFORSK AB (équivalent d’AREVA en Suède env. 77000 employés)
- L’Académie Royale des Sciences de Suède (Ceux qui attribuent chaque année le prix Nobel de physique)
But de l’étude
La même équipe avait déjà mené deux tests du réacteur « E-Cat » en mars 2013(3). Lors de ceux-ci l’équipe n’avait pas eu toute la liberté requise pour réaliser toutes les mesures qu’elle aurait aimé effectuer pour vérifier la validité des annonces faites par son inventeur.
Les tests de 2013 souffraient ainsi de plusieurs lourds handicaps :
- Aucun membre de l’équipe ne pouvait, à aucun moment, avoir accès au contenu du réacteur
- Les appareils de mesure n’appartenaient pas (du moins pour les plus importants) à l’équipe chargée du test
- Les tests étaient effectués dans un local choisi par l’inventeur
- Les tests étaient relativement brefs (4 jours et 5 jours)
Ces contraintes étaient imposées par l’inventeur Andrea Rossi car celui-ci craignait un vol de secret industriel. En effet, puisque basé sur un principe de fonctionnement inconnu, l’office des brevets américain a toujours refusé d’attribuer un brevet pour ledit réacteur.
Lors de ces tests l’équipe ne pouvait donc qu’effectuer des mesures de calorimétrie (mesures de chaleur dégagée par le réacteur) et des mesures concernant l’énergie électrique consommée par le réacteur. Bien que les résultats furent positifs (l’équipe mesura que le réacteur libérait environ 3 fois plus de chaleur qu’il ne consommait d’énergie électrique), leur accueil par la communauté des physiciens fut plus que mitigé du fait des restrictions imposées. Aussi l’objectif initial de l’équipe était de réaliser de nouveaux tests dans leurs locaux, avec leur instrumentation, sans restriction ni de temps ni d’accès aux différentes parties du réacteur. Sur ce dernier point cependant leur désir se heurta encore au refus de M. Rossi pour les mêmes raisons que pour le test précédent. L’étude fut donc réalisée pendant 32 jours (en continu) dans les locaux de l’Officine Ghidoni basée à Lugano dans le canton du Tessin en Suisse.
L’objectif était de répondre aux questions suivantes :
- Le réacteur « E-Cat » libère-t-il plus d’énergie qu’il n’en reçoit ?
- Le réacteur est-il stable dans le temps ?
- L’éventuelle énergie excessive a-t-elle une origine nucléaire ?
- Le réacteur produit-il des radiations dangereuses ?
Par contre la question « Comment fonctionne le réacteur ? » n’était pas dans cette liste. Les auteurs ne désirant pas, ici, s’aventurer sur le terrain théorique.
Protocole suivi
À première vue la première question était superflue puisque la réponse avait déjà été donnée dans le précédent rapport. Cependant, à la publication de ce dernier, des remarques, fondées, émanant de collègues sceptiques avaient fait naître un doute sur la validité des mesures effectuées.
Ainsi l’alimentation du réacteur à l’aide d’un courant continu non détectable avec l’appareil utilisé aurait permis de simuler un excès d’énergie. Un wattmètre à large bande fut donc branché en amont et un autre en aval de l’alimentation du réacteur pour détecter tout apport d’énergie suspect.

Dispositif expérimental utilisé pour tester le réacteur (photo issue du rapport)
D’autre part, dans un souci de précision, les auteurs ont apporté les améliorations suivantes :
- Des calculs plus fins que ceux du précédent rapport ont permis de tenir compte du phénomène de convection.
- Une meilleure procédure d’étalonnage des capteurs de rayonnement (test avec un réacteur non chargé de combustible).
La procédure était donc la suivante :
- Mesure de la quantité d’électricité consommée par l’ensemble réacteurs + fils + alimentation à l’aide des Wattmètres à raison d’une mesure toutes les deux secondes
- Mesure du rayonnement en différents points du réacteur avec la même fréquence à l’aide de deux caméras thermiques convenablement étalonnées.
- Détermination de la puissance surfacique rayonnée en utilisant la loi de Stefan-Boltzmann pondérée en considérant le réacteur comme un corps gris et non comme un corps noir. L’émissivité étant réajustée en fonction de la température mesurée. Une analyse effectuée par un chercheur extérieur à l’équipe a permis de vérifier que le revêtement recouvrant le réacteur était bien constitué d’oxyde d’aluminium et donc que les valeurs prises pour l’émissivité étaient correctes.
En ce qui concerne le deuxième point, l’équipe a décidé de tester le réacteur en continu sur une durée de 32 jours. La stabilité fut testée avec deux régimes de fonctionnement différents. Bien que l’inventeur ait annoncé depuis longtemps que son réacteur pouvait fonctionner avec une alimentation électrique intermittente, l’équipe de chercheurs a choisi délibérément de laisser le réacteur fonctionner en continu pendant toute la durée du test. Le but de l’étude n’était pas de tester les performances optimales de la technologie.
En ce qui concerne le troisième point une analyse isotopique du carburant a été réalisée avant et après le test de 32 jours. Cette analyse a été effectuée avec cinq méthodes différentes par trois équipes indépendantes et spécialisées : analyse dispersive en énergie, spectroscopie par torche à plasma, spectrométrie d’émission optique, spectrométrie photoélectronique X et spectrométrie de masse à ionisation secondaire.
Enfin pour connaître l’éventuelle dangerosité du processus, différents instruments ont été utilisés : une sonde à scintillation, un détecteur de neutrons, un compteur Geiger et plusieurs dosimètres thermo-luminescents. Les mesures de radiations ont été effectuées sur le carburant avant, pendant et après le test. La radioactivité naturelle du site où s’est déroulé le test a également été dûment mesurée pendant la même période.
Résultats
Voici les réponses des chercheurs aux différentes questions :
- Le réacteur « E-Cat » libère-t-il plus d’énergie qu’il n’en reçoit ?
Oui environ 3,5 fois plus.
- Le réacteur est-il stable dans le temps ?
Oui au moins sur la période testée de 32 jours. L’arrêt du réacteur a été effectué alors que celui-ci ne montrait aucun signe d’affaiblissement.
- L’éventuelle énergie excessive a-t-elle une origine nucléaire ?
Oui si l’on s’en réfère aux analyses isotopiques qui indiquent toutes clairement une origine nucléaire du phénomène. L’origine chimique du phénomène a été exclue du fait de la quantité d’énergie libérée au vu de la quantité de combustible utilisé.
- Le réacteur produit-il des radiations dangereuses ?
Aucune trace de radioactivité supérieure à la radioactivité ambiante n’a été détectée pendant toute la durée du test.
suite de l’article et source:
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/nucleaire-la-3eme-voie-161405