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Début octobre 2014, Udo Ulfkotte, ancien journaliste au sein du grand média allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, a publié un livre intitulé Journalistes achetés – Comment les politiciens, les services secrets et la haute finance dirigent les médias de masse allemands [1].
Journalistes achetés, couverture du livre  d'Udo Ulfkotte
Journalistes achetés, couverture du livre d’Udo Ulfkotte

 

Dans ce livre, il révèle que pendant toute sa carrière de journaliste d’investigation, dont il ne renie pas par ailleurs l’essentiel (notamment des enquêtes sur le poids acquis par l’islamisme en Allemagne), il a publié, sous son nom et sans changements, des articles écrits par des agents de la CIA ou d’autres agences américaines. Ces articles visaient à soutenir les interventions des États-Unis sur la politique allemande ou européenne, et à discréditer toutes réactions politiques poussant l’Allemagne à s’affranchir de ces influences.

Dans ce livre, Udo Ulfkotte reconnaît avoir pour ce faire été rémunéré par les services secrets américains, ce qu’il avait accepté pour une raison simple: être journaliste d’investigation indépendant ne nourrit pas son homme. Il ne dissimule pas le fait que, du temps de l’URSS, des agents du KGB opéraient de même en Allemagne auprès d’autres journalistes. Mais selon lui, ils le faisaient sur une bien moindre échelle et d’une façon qui a disparu à la chute du Mur. Au contraire, plus l’Allemagne prenait de l’influence au sein de l’Union européenne et dans l’Otan, plus il devenait important pour le gouvernement américain et ses services que l’opinion et le gouvernement allemand soutiennent les stratégies américaines. Pour cela la mobilisation de medias réputés comme indépendants devenait essentielle.

Il est remarquable de constater que le livre de Udo Ulfkotte, bien qu’il ait fait le tour des cercles alternatifs et des blogs politiques allemands, n’ait pratiquement pas été cité par la presse qu’il faut bien nommé officielle, qu’il faut bien aussi nommer subventionnée par des flots de dollars souterrains. Seul à ce jour La Voix de la Russie en a parlé. Pour connaître le contenu du livre, il faut donc se référer à cet organe, qui a publié une interview de l’auteur. Rien d’étonnant, diront les lecteurs animés d’une hostilité à la Russie encore très générale en Europe. La Voix de la Russie n’est-elle pas directement inspirée par les gouvernements et les services secrets russes. Peut-être, mais la question n’est pas là, elle était de pouvoir écouter ce que Udo Ulfkotte avait à dire [2].

La presse allemande n’est pas la seule à être sous contrôle

Or, lorsque l’on y réfléchit un tant soit peu, il ne fait aucun doute que les opinions publiques qui en Europe font de l’anti-poutine systématique ne le font pas par conviction personnelle, mais parce qu’elles sont influencées par le discours – la propagande à la Goebbels faudrait-il dire – émanant des grands journaux et des chaines de télévision. Il en est en France et dans les autres pays européens de même qu’en Allemagne. Comment pouvoir juger indépendamment si l’on est abreuvé en permanence de désinformation. Or cette désinformation, s’exerçant systématiquement en faveur des intérêts géostratégiques et économiques américains, ne tombe pas du ciel. A la lecture du livre d’Udo Ulfkotte, l’on comprend qu’elle est financée directement par des dollars contribuant à l’équilibre économique des grands médias, et aux bénéfices de leurs actionnaires.

Il faut reconnaître que les lanceurs d’alerte, tel Udo Ulfkotte (que l’on peut comparer en son domaine à un autre dénonciateur de la CIA et de la NSA devenu célèbre), ne sont pas les seuls. Philippe Grasset, qui s’oppose quotidiennement, sur son site Dedefensa, à ce qu’il nomme le Système de l’américanisme, vient d’en porter témoignage. Il relate les pressions et les menaces qu’il avait reçues, notamment, lorsque pratiquant le journalisme indépendant en Belgique, il avait, avec de bons arguments techniques et politiques, critiqué le choix fait par le gouvernement belge de l’époque d’un avion de combat américain, face à l’offre française reposant sur l’avion Rafale, offre beaucoup plus avantageuse à tous égards pour la Belgique [3].

Aujourd’hui, La corruption permanente qu’exercent sur les médias européens les intérêts stratégiques et économiques américains saute aux yeux de tout observateur un tant soit peu averti. Ainsi, pour ne citer que cet exemple, le grand journal français de référence qu’est resté pour de nombreux lecteurs Le Monde, vient de publier un long article du grand philanthrope et milliardaire George Soros, titré curieusement de deux façons différentes : L’Europe soit sauver la nouvelle Ukraine (version papier) et Ukraine : « L’Europe est indirectement en guerre » (version électronique). Soros y conjure les Européens à se ressaisir face à une menace russe grandissante. Si l’Europe ne soutient pas l’Ukraine de Kiev, tant au plan économique que politique, elle devra (écrit-il quasiment) s’attendre à une invasion prochaine par l’Ogre russe [4]. La diatribe guerrière est soutenue par une illustration représentant un ourse immense déchiquetant entre ses dents une Europe en lambeaux.

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Copie d’écran de l’article de George Soros publié dans l’édition papier du journal Le Monde datée du 24 octobre

George Soros est devenu milliardaire, et donc logiquement philanthrope, par des comportements économiques souvent proches de ceux de la maffia. Par ailleurs, il a financé toutes les révolutions Orange en mettant en place des gouvernements corrompus de par le monde. Il vient de dépenser sans compter pour porter vers la victoire, d’abord Marina Silva, puis Aecio Neves, l’adversaire conservateur, et sous influence américaine, qui s’oppose à Dilma Roussef lors du second tour de l’élection présidentielle brésilienne en cours [5].

Dans ces conditions, on devrait s’étonner du fait que Le Monde et les principaux journaux dits occidentaux (car la communication de Soros est largement européenne, comme le montre par exemple le communiqué de Soros en espagnol) aient publié ce tissu de mensonge et de désinformation, d’incitation à la guerre, qu’est cet article de George Soros, et cela sans préambule, sans mise en garde. Dans la version électronique, le nom de l’auteur, en l’occurrence George Soros n’est même pas mentionné sous le titre, ce qui peut faire croire que c’est un article de la rédaction du Monde (voir copie d’écran ci-dessous). Déontologie journalistique, où es-tu ?

Copie d'écran de l'article du Monde en ligne daté du 23 octobre, page de l'article de George Soros
Copie d’écran de l’article de George Soros publié le 23 octobre dans l’édition en ligne du journal Le  Monde

Mais peut-on encore s’en étonner, quand depuis des mois, on lit quasiment chaque jour, en première page de ce journal (il n’est pas le seul, mais c’est un archétype), au moins un gros titre dénigrant la Russie, férocement ou insidieusement ? Un travail de sape méthodique (le fameux Bashing anglosaxon), qui s’attaque à l’inconscient collectif d’un peuple. Il est loin le temps où ce journal était un lieu de débats, cherchant à peser le pour le contre  : il ne reste plus de cette idée initiale que la mention Débats, en haut à gauche de la version papier. Il est loin le temps où les clients de ce journal étaient ses lecteurs…

Cependant, pour ne pas sombrer dans le pessimisme, on pourra constater, à la lecture de leurs commentaires, que la plupart des lecteurs du Monde ne s’en laissent pas compter [6]. Sans doute est-ce là un des bons effets de la numérisation de la communication politique. Ceux qui proposent sur le web, à titre individuel ou collectif, des propos quelque peu alternatifs parviennent de plus en plus, ne fut-ce que faiblement, à se faire entendre.

Jean-Paul Baquiast

Notes

[1] Gekaufte Journalisten: Wie Politiker, Geheimdienste und Hochfinanz Deutschlands Massenmedien lenken (amazon, allemand)

[2] Udo Ulfkotte : l’Allemagne n’est pas un Etat libre et souverain ! (partie 1) (french.ruvr.ru, français, 20-10-2014)

[3] Le journalisme made in CIA, aujourd’hui et hier (dedefensa.org, français et anglais, 20-10-2014)

[4] Ukraine : « L’Europe est indirectement en guerre » (lemonde.fr, édition abonnés, français, 23-10-2014)

[5] Soros et la CIA misent maintenant sur Neves pour vaincre Rousseff (vineyardsaker, français, 22-10-2014)

[6] Citons une lectrice du Monde, à qui « on ne la fait pas » :

« Soros, un « philanthrope » qui défend l’État de Droit ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! L’Europe se retrouve bien avec une guerre civile à sa porte, à cause de l’ingérence de monsieur Soros et de ses amis américains, qui ont voulu jouer au grand échiquier, et, tout comme au Moyen-Orient, c’est le reflet de l’interventionnisme et de l’ingérence néocoloniale de l’Open Society. Il y a déjà fort à faire en termes d’état de droit et de philanthropie dans votre pays, monsieur Soros, restez-y !

Pour approfondir sur le rôle des médias dans la crise actuelle

source:  http://www.vineyardsaker.fr/2014/10/25/journalistes-achetes-journaux-achetes-lexemple-campagne-denigrement-menee-george-soros-contre-russie/#more-6480